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La famille de Mohamed Khemisti réclame l'accès aux archives de la police

12 Mai 2013 , Rédigé par Samir Ould Ali Publié dans #Document

img021La famille de Mohamed Khemisti qui a commémoré, le 04 mai dernier, le cinquantième anniversaire de l’assassinat du premier ministre des Affaires étrangères de l’Algérie indépendante, continue de réfuter la thèse de l’acte isolé et de s’interroger sur les circonstances réelles qui ont conduit à ce lâche assassinat, intervenu en avril 1963. Pour la veuve du défunt, Mme Mechiche, ses neveux et nièces, le mystère demeure entier : «Les doutes sur la version retenue et livrée à l’opinion par les autorités de l’époque sont absolus. La thèse de l’acte individuel puis celle du ‘’suicide’’ de l’assassin, dans sa geôle de la prison d’El Harrach, le 20 Juin 1965, le lendemain du coup d’Etat qui a renversé Ben Bella, ne sont pas crédibles», peut-on lire dans le communiqué que la famille du défunt avait transmis à la presse,  la veille de cette commémoration. Confiants que la «vérité sur ce meurtre éclatera un jour», les rédacteurs du document appellent à l’ouverture des archives de la police et de la justice pour lever le voile sur ce drame qui n’a pas encore livré tous ses secrets.

Pour rappel, le jeudi 11 avril 1963, le fringant ministre, âgé de seulement 33 ans, venait de quitter l’Assemblée nationale où il avait participé à une réunion sur le budget, quand il reçut plusieurs balles tirées par un certain Mohamed Zenadi qui -l’enquête devait le déterminer plus tard- était journaliste au quotidien le Peuple. Grièvement touché, il a été immédiatement transporté à l’hôpital où il a lutté contre la mort pendant trois semaines. Son décès, officiellement constaté le 4 mai, a provoqué l’indignation et l’émoi des Algériens (ils seront des dizaines de milliers à l’accompagner à sa dernière demeure) pour la perte brutale d’un brillant ministre, dix mois après l’accession du pays à l’indépendance et six mois après sa nomination aux Affaires Etrangères : «C’est avec beaucoup de scepticisme que la thèse officielle sur son meurtre a été accueillie […]. Nombreux sont ceux qui s’interrogent encore sur les véritables mobiles de cet acte et sur l’identité de ses commanditaires», poursuit encore le communiqué dont les rédacteurs sont catégoriques : il s’agissait bien là d’une «liquidation physique» obéissant à des considérations de «règlement des conflits et de désaccords», dans la même veine des «affrontements fratricides et sanglants du premier été de l’indépendance».
Condamné à mort, puis grâcié et sa peine commuée en détention à perpétuité, Mohamed Zenadi sera retrouvé mort dans sa geôle, à la prison d’El Harrach, le 20 juin 1965, au lendemain du renversement d’Ahmed Ben Bella par Houari Boumediène. Les autorités retiendront la thèse «du suicide par pendaison» mais, là aussi, les proches de Khemisti mettent en doute la crédibilité de cette version.
Aujourd’hui, après un demi-siècle de doute, les proches de Mohamed Khemisti estiment que l’accès aux archives de la police et de la justice permettra de mettre la lumière sur les zones d’ombre qui continuent de planer sur ce meurtre et (pourquoi pas ?) déterminer «les véritables mobiles de cet acte et l’identité de ses commanditaires.» A défaut, cela aidera peut-être à apaiser les douleurs…

 

Petite biographie d'un grand homme 
Mohamed Khemisti est né le 11 août 1930 à Maghnia, wilaya de Tlemcen. Fils d’un petit fellah,79.jpg dépossédé de son lopin de terre, il était le cadet d’une famille de cinq garçons et deux filles. Son père put inscrire Mohammed à l’école primaire. Son certificat d’études en poche, il put se faire embaucher dans le chantier de construction du barrage de Beni Bahdel. Après ce petit boulot, il se rend en France pour rejoindre son frère Abdeldjebbar qui lui trouve du travail dans un bureau d’études à Toulon. Après un court séjour, il retourne au pays et est encouragé par ses frères à poursuivre ses études. Sans ressources suffisantes pour s’inscrire dans un lycée, Mohamed Khemisti étudiera seul chez lui et préparera son baccalauréat, qu’il passera avec succès en candidat libre.
Engagement politique
Bachelier option mathématiques, il s’inscrit à la faculté de médecine de Montpellier. Il est donc en France lorsque la révolution du 1er novembre 1954 est déclenchée. Dès la création de l’Ugema, l’Union Générale des étudiants musulmans algériens, Mohamed Khemisti y milite. Secrétaire général de la section de Montpellier, il fera partie du comité exécutif à Paris, puis présidera le congrès de la première organisation étudiante qui a regroupé toute l’élite universitaire nationale engagée pour la libération du pays. Le congrès de l’Ugema s’est déroulé du 24 au 30 mars 1956 à Paris  et s’est conclu par des revendications, dont l’indépendance nationale, la libération de tous les détenus et l’ouverture des négociations avec le FLN.
Il participe à la création de l’équipe de football du FLN, dont il fut le chef de délégation lors de ses pérégrinations à travers tous les continents. En 1957, lors du Festival mondial de la jeunesse à Moscou, la délégation présidée par Mohamed Khemisti, partie de Paris en train, gagna Moscou en traversant l’Allemagne et les pays de l’Est, acclamée à chaque arrêt par les populations des pays de l’Est. Sur place, l’enjeu était de taille : pour la première fois, une délégation algérienne était présente dans une grande manifestation internationale. Là, les patriotes algériens apprennent, non sans surprise, que les organisateurs du festival leur refusaient de défiler avec leur drapeau national. A cette occasion, Mohamed Khemisti, malgré son jeune âge, se montra fin politique et fit preuve de diplomatie et de fermeté. Il dira : «La présence du drapeau algérien ne se négocie pas. C’est pour lui que nous sommes là.» Au stade Lénine, Nikita Khrouchtchev, secrétaire général du Pcus, et Nikolaï Boulganine, président du Conseil des ministres, ne se seront levés qu’une seule fois : c’était pour saluer le drapeau vert et blanc au croissant de lune, à l’étoile, frappée de rouge, symbole de l’Algérie en lutte.
28Il contribue à développer la solidarité avec la lutte du peuple algérien. La délégation qu’il préside se rend en Chine et au Viet Nam, où elle est accueillie très chaleureusement. Elle sera reçue par Chou En Laï, Premier ministre de la République populaire de Chine, puis par Ho Chi Minh, le grand dirigeant vietnamien. De retour en France, il est arrêté le 12 novembre 1957 à Montpellier et transféré à la prison d’El Harrach, où est déjà incarcéré son frère, Mekki. En prison, il écrit un livre sur sa vie et ses conditions d’incarcération. Un manuscrit qui n’a pas été retrouvé. En prison, il est désigné par les militants pour les représenter auprès de l’administration pénitentiaire. Libéré en 1960, mais menacé, il se rend clandestinement en Suisse déguisé en prêtre. Sur place, il est chargé de différentes tâches et se déplace en Europe et partout dans le monde au profit de l’Algérie. 
Après le cessez-le-feu, le 19 mars 1962, il est désigné pour faire partie de l’Exécutif provisoire. Il dirigera ensuite le Cabinet au sein de l’Exécutif provisoire, installé au Rocher-Noir (Boumerdès), présidé par feu Abderrahmane Farès.
Six mois à la tête des A.E
Après la formation du premier gouvernement algérien, le 27 septembre 1962, le ministère des Affaires23.jpg étrangères lui est proposé. Toujours élégant, il avait le regard vif derrière les verres fumés de ses lunettes. Durant les six mois qu’il œuvre à la tête de ce ministère, il ne ménage pas ses efforts. Il assiste en 1963 à une rencontre des ministres des Affaires étrangères du Maghreb, tenue à Rabat, de même qu’il se rend à New York, invité à une session de l’ONU en qualité de ministre des Affaires étrangères de l’Algérie. Avec la France, l’Algérie liée par les accords d’Evian devait continuer à négocier pour préserver les acquis de l’indépendance fraîchement et chèrement conquise. Avec l’Egypte, il fallait préserver l’alliance mais aussi la souveraineté du pays…
Le jeudi 11 avril 1963, Mohamed Khemisti est victime de l’odieux attentat qui l’emportera à l’âge de 33 ans… Ses obsèques se déroulent en présence de dizaines de milliers de citoyens algériens et de nombreuses délégations étrangères. Il est inhumé au cimetière Lalla Maghnia, dans la ville qui l’a vu naître.
Photos d'archives appartenant à la famille Khemisti: On y voit le Mohamed Khemisti accrochant un insigne représentant le drapeau algérien sur la poitrine de Chou En-laï, Premier ministre chinois (1957), discutant avec Hô Chi Minh,  président de la République démocratique du Viêtnam (1957). Le dernier cliché le montre entouré de Mohamed Boudiaf (1919-1992), Rabah Bitat (1925-2000) et Ahmed Benbella (1916-2012). 

 

 

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