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A l’école de la violence

27 Février 2013 , Rédigé par Samir Ould Ali Publié dans #Actualités

Contrairement aux persiflages que nous avons pu entendre ici et là il y a deux années, le problème des enseignants algériens n’est pas seulement d’ordre matériel et pécuniaire. Il est aussi, et surtout, lié au fait que leur statut d’éducateur n’a plus sa valeur d’antan, qu’ils sont presque abandonnés par une administration trop longtemps laissée entre les mains d’un seul patron, qu’ils ne sont plus formés à bonne école et que, par la force des choses, ils sont «presque» devenus des employés ternes et sans enthousiasme, eux dont la tâche pédagogique ne peut s’accomplir autrement que par la passion et le plaisir. Oui, le pouvoir d’achat et l’amélioration des conditions de vie sont importants. Oui, nous avons vu des enseignants débrayer des jours et des semaines pour la revalorisation d’un salaire qui ne faisait plus le poids devant l’impitoyable marche de la mercuriale. Mais, les grévistes criaient aussi autre chose : ils réclamaient une réhabilitation du statut maltraité d’éducateur et de pédagogue.
Aujourd’hui , les camarades du défunt Redouane Osmane - fervent éducateur décédé en 2007, un bâton de craie entre les doigts - se mettent en mouvement pour dénoncer la violence qui s’est insidieusement installée dans les écoles et mis en danger l’intégrité physique des élèves, des enseignants et de l’ensemble du personnel. Le tout sans que les pouvoir publics, à leur tête le ministère de l’Education nationale, n’aient pris de mesures pour la résorber et protéger la communauté de l’Education. Malgré la survenue tragique d’un certain nombre de meurtres (en 2009 dans une école des Amandiers à Oran, en 2011 dans le village de Aïn Souda, Guelma, cette année aussi à El Kerma, à El Hadjar), d’innombrables agressions, des bagarres et l’installation d’un «climat de terreur» -c’est la formule employée par de nombreuses enseignantes- dans de nombreux établissements scolaires algériens, les pouvoirs publics et la société civile demeurent les bras croisés, comme tétanisés par la violence d’un phénomène qu’ils n’auraient pas vu venir.
Pourtant, les prémisses étaient visibles depuis longtemps et nous avons vu des enseignants, universitaires, parents et d’autres encore tirer furieusement mais en vain la sonnette d’alarme lorsque des enseignants du primaire et du moyen s’arrogeaient le droit de châtier les élèves -violemment, jusqu’à laisser des stigmates- ou que des élèves menaçaient les éducateurs sans que personne ne réagisse. Y compris la Fédération nationale des associations de parents d’élèves, qui préférait détourner les yeux plutôt que de saisir le taureau par les cornes et faire face au problème naissant. La suite, tout le monde la connaît : les pédagogues ne sont pas plus considérés qu’un vendeur de cigarettes, des élèves rentrent à l’école des armes blanches sous le tablier bleu, d’autres consomment et parfois vendent de la drogue, des éducatrices vont au travail la peur au ventre, des enseignants recourent eux-mêmes à la violence la plus cruelle…
De temple de la connaissance, l’école est devenue un vivier de violences diverses où il est extrêmement difficile de dispenser et d’acquérir le savoir. Résultat sans appel : la déperdition scolaire touche chaque année 500 000 élèves et, les centres de formations n’étant pas non plus au rendez-vous, beaucoup parmi eux s’en vont renforcer les rangs de la criminalité. Ce qui, diraient les plus sarcastiques, n’est pas plus mal puisque la société elle-même est un vaste champ de petites et grandes violences où les regards se croisent rarement sans un froncement de sourcils. Avec son débrayage d’hier, le CLA nous rappelle surtout que si tellement de choses ne vont pas bien en Algérie, s’il y a tellement de violences dans la société, c’est en grande partie parce que l’école est toujours sinistrée.
Malgré les augmentations salariales et les nouvelles infrastructures…
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