Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La suprématie du pouvoir central sur le local

23 Mai 2009 , Rédigé par Samir Ould Ali Publié dans #Document

Un document, publié dans une revue universitaire méditerranéenne en ce mois de mai, met à nu les «contradictions dans la gestion de la ville d’Oran et les limites de son APC, sans pouvoir face l’administration», non sans souligner que la société civile reste elle aussi hors-jeu.

«Le mythe de la gouvernance urbaine en Algérie, le cas d’Oran» c’est de cette étude faite sans complaisance par Najet Mouaziz Bouchentouf, du département d’architecture et d’urbanisme, USTO Mohammed Boudiaf, qu’il s’agit. «Depuis la crise des années 1980 et devant le désengagement partiel ou total de l’Etat conjugué aux tentatives de décentralisation, la population aspire à être impliquée dans les affaires relatives à la gestion de sa ville et revendique ce droit», note l’auteur de l’étude.

Mais, «devant la multiplicité des acteurs et la dualité entre le pouvoir local (APC/ APW) qui est élu et les représentants du pouvoir central (le wali et le directeurs de wilaya des différents secteurs) qui sont désignés», ajoute-t-elle dans le document, «la marge de manœuvre de l’APC et à sa tête le maire et le poids de la société civile en matière d’aménagement et de gestion de la ville sont très réduits».
L’étude explique pourquoi la société civile a du mal à émerger, mais aussi comment l’APC est devenue un acteur de moindre importance dans la gestion et l’aménagement de son territoire depuis qu’elle a perdu son monopole sur le foncier urbain. L’APC n’a plus d’emprise, en effet, sur l’élaboration des POS, les commissions de choix de terrains et les permis de construire.
Enfin, l’étude tend à montrer aussi comment des opérations sont initiées, financées et réalisées par la wilaya «sans aucune concertation avec l’APC et moins encore avec la société civile».
Najet Mouaziz Bouchentouf a choisi le cas de la commune d’Oran et précisément son centre-ville, citant M. Chabbi selon lequel le cas de cette ville «est parmi les plus pertinents des villes du tiers-monde» et qui renvoie à un développement urbain n’ayant pas été induit par une révolution industrielle comme ce fut le cas en Europe.
Après un rappel historique, politique et législatif, sous le thème de «la gouvernance urbaine et société civile en Algérie», l’étude met en relief le cas d’Oran pour illustrer «la suprématie du pouvoir central sur le local». «La ville d’Oran a bénéficié ces dernières années du programme de relance économique initié par le Président dont l’action la plus visible et la plus spectaculaire consiste en des opérations d’embellissement de la ville et de son centre. Décidées par le wali (qui est désigné par l’Etat) car financées par le budget de l’Etat, leur réalisation est confiée aux différentes directions de wilayas selon les secteurs: trémies, élargissements des voies et ronds-points, aménagements d’espaces de détente, ronds-points, etc.», note le document. Toutefois, «ces pratiques dont la marque est indélébile sur le paysage urbain se font sans aucune consultation avec l’APC, et moins encore les associations concernées si elles existent».

 

Deux bons exemples

L’auteur prend, pour illustrer son propos, deux exemples simples de la vie quotidienne à Oran. D’abord, celui de la subordination du piéton à la voiture. «La généralisation de l’élargissement des voies de circulation et la réduction des trottoirs donc de l’espace piéton n’a pas fait réagir les associations de préservation du cadre de vie. L’exemple le plus frappant est la trémie du lycée Lotfi ainsi que les quais de stationnement des bus».

L’autre exemple a trait à la destruction des espaces verts. «Les ronds-points Zabana, les Castors et cité-Jamel constituaient des poches vertes de la ville d’Oran avec leurs petites forêts d’arbres. La décision prise par le wali d’arracher les arbres et de les remplacer par du gazon et des massifs de fleurs difficiles à entretenir, et de faire traverser le rond-point des Castors par des voies de circulation automobile ne s’est heurté à aucune résistance», note le document.
Et d’ajouter que «ces opérations montrent à quel point le pouvoir du wali est étendu et supplante celui du président de l’APC». Et cela, «même si le budget de la wilaya est voté par l’APW qui est une collectivité territoriale (assemblée élue au suffrage universel) et que le wali est tenu de le respecter et de l’exécuter, parce qu’il est en est l’ordonnateur, le dernier mot lui revient».
Dans un soucis de critique constructive, l’étude affirme que «la suprématie économique de la wilaya (le budget de l’Etat écrase celui de la commune) fait que l’APC se trouve désarmée devant la masse des investissements engagés par la wilaya».

 


La bataille du foncier

Au titre de «la commune, les associations et les instruments d’urbanisme», dans le document rédigé par Najet Mouaziz Bouchentouf, il est noté que par la force des choses, le PDAU est devenu un instrument inutile dès le lancement des POS.
Le PDAU du groupement urbain d’Oran (comprenant les communes d’Oran, d’Es-senia, de Bir el-Djir et de Sidi Chami) a été lancé en 1994 et approuvé en 1997. Le PDAU couvre tout le territoire de la commune tant rural qu’urbain. «Son élaboration en trois phases couvrant l’espace de quatre communes a engendré une profusion de cartes, plans et rapports rendant sa lecture difficile, ce qui fait dire à ses principaux utilisateurs (APC, DUC) qu’il est dépassé ou mal élaboré ou ne rendant pas compte de la réalité actuelle de la ville», commente l’étude.
De plus, «l’amélioration de la situation sécuritaire et un niveau remarquablement élevé des recettes d’hydrocarbures induisant une manne importante ont fait surgir d’autres acteurs (…) nécessitant un réajustement du plan d’aménagement que le POS».
Actuellement, est-il révélé, les enjeux en matière d’aménagement et d’appropriation du foncier se jouent autour du POS. Les POS en zone urbaine et en cours d’élaboration sont ceux qui déchainent toutes les passions. C’est ce que l’auteur appelle, d’ailleurs, «la guerre des COS», où très vite, «l’APC, premier commanditaire et utilisateur du POS, car chargée du contrôle par notamment les permis de construire, se trouve dépassée ou impuissante devant cet état des choses, la population mal ou pas représentée en subit les conséquences».
Citant un cas concret, l’étude parle du comité de quartier de Yaghmouracen qui s’est opposé à la construction d’une maison de jeunes et d’un centre commercial dans le quartier pour cause de grignotage d’un espace vert. Selon la même source, «le maire, qui a reçu le comité, a tout simplement rétorqué que ces projets étaient prévus par le POS, et s’est demandé où était le comité lors de l’élaboration du POS». Quant aux permis de construire, qui sont l’expression de la configuration future de la ville, l’étude fait remarquer que toute demande d’octroi est introduite auprès de la commune, mais que c’est la DUC qui partage avec l’APC le rôle du contrôle.
Plus loin encore, «le rôle de l’APC se trouve réduit à celui de la recevabilité et la DUC, en tant que garante de la bonne application des instruments d’urbanisme».
S’agissant des commissions de choix de terrains, la même étude souligne que depuis que l’APC a perdu son monopole sur le foncier depuis 1990, elle n’est plus qu’un membre comme autre de cette commission qui décide d’une réserve foncière dont l’APC est pourtant le dépositaire au nom de la population. «Face aux différentes directions de wilayas et services concernés dépendant du wali, sa voix ou son avis quant aux décisions à prendre est très faible». En outre, «aucune association n’est présente lorsque siège la commission de choix de terrain», relève encore l’étude.

 


L’APC n’est pas innocente

Pour être objectif, le document ne nie pas ce qu’il appelle «la défaillance de l’APC», car cette dernière n’est pas due uniquement à sa subordination à la wilaya. «Souvent, l’APC, même si elle dispose d’un service technique, ignore ou se désengage de ses prérogatives en la matière».

Certaines APC, révèle encore l’universitaire, considèrent la DUC comme leur «tutelle». «Par exemple, il arrive que des réunions relatives à l’élaboration des PDAU ou POS se tiennent à la DUC ou à la wilaya, ce qui est un non-sens du moment que l’APC est le commanditaire de ces instruments et le premier utilisateur», s’étonne l’auteur qui voit que le problème se pose aussi en la personne du P/APC «qui devient vite un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur et qui oublie que sa légitimité vient du programme qu’il s’est engagé à réaliser en faveur de ses électeurs».
C’est ainsi que l’on aboutit à ce que l’auteur appelle «le tout-Etat en l’absence de gouvernance urbaine». «Si dans d’autres sociétés le pouvoir du maire est assis et ne prête à aucune discussion, si on associe une ville à son maire au point où pour assurer une continuité de sa politique on élit sa femme ou l’un de ses enfants, en Algérie l’on est loin de ce schéma et c’est plutôt le wali qui incarne ce personnage», conclut l’étude de Najet Mouaziz Bouchentouf.
Une étude qui pourrait servir d’élément constructif, dans le débat actuel sur la réforme des codes communal et de wilaya.
(Voix de l'Oranie - 23 mai 2009)
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article