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Pour rétablir la vérité sur la colonisation française

1 Mai 2009 , Rédigé par Samir Ould Ali Publié dans #Culture

Benjamin Stora plaide pour une commission mixte d’historiens
(In La Tribune -  Février 2008)

En marge du colloque sur Mohamed Harbi, Benjamin Stora nous a accordé un rapide entretien dans lequel il a fait part de son désir de la création d’une commission mixte d’historiens algériens et français pour rétablir la vérité sur la présence française en Algérie : «Mais il faut une impulsion politique, il faut que ce soit les Etats Algérien et français qui le décident et qui donnent les moyens. Sinon, il y aura la séparation artificielle, et les historiens des deux rives continueront de travailler chacun de leur côté.» Car pour Stora, les historiens (qu’ils soient Algériens ou Français) n’ont pas attendu pour entamer cet important travail : «Il y a 30 ans environ, Ferhat Abbes et les autres étaient inconnus du grand public ou alors Abbes était un réformiste bourgeois, Messali El Hadj était un traître et Abane était mort au combat.» Aujourd’hui, grâce au travail accompli par les chercheurs, on sait qu’il n’en ait rien, que Messali El Hadj est le père fondateur du mouvement nationaliste algérien et que Abane Ramadane est mort assassiné dans les conditions que l’on sait. Les historiens travaillent, donc,  mais ils demeurent en butte à des difficultés que seule une décision des Etats pourrait lever : «Avec Mohamed Harbi et une trentaine d’autres chercheurs, nous avons bien réalisé un livre sur la guerre d’Algérie. Mais après nous n’avons pas eu les moyens de pousser plus loin les recherches», ajoute-t-il encore. L’Etat français vient bien de décider de créer une fondation sur la mémoire de la guerre d’Algérie, avec une attribution de trois millions d’euros, «mais il n’y que des historiens français. Moi, je plaide pour une commission mixte telle celle sur laquelle Chinois, Japonais et Coréens sont entrain de réfléchir.»
Sur les relations algéro-françaises, Benjamin estime qu’elles se sont dégradées depuis 2005, soit depuis le vote en France de la loi sur la colonisation et la campagne sur l’anti-repentance : «Sur le plan strictement mémoriel et historique, les relations ne sont pas bonnes, mais je trouve qu’il y a trois signaux positifs, qu’il faut savoir décoder, et qui vont à l’inverse du discours officiel.» L’historien estime que la décision des autorités françaises de livrer à l’Algérie les cartes des mines sur les frontières marocaines et tunisiennes, et de lui remettre des archives de l’INA, est très encourageant «quand on sait que l’Algérie les revendique depuis très longtemps.» Le troisième signal encourageant est la déclaration faite par l’ambassadeur français en Algérie «sur la volonté des autorités françaises à participer à l’entretien des sites frappés par les radiations atomiques de la France en 1960.» Benjamin Stora reconnaît que ce n’est pas grand-chose mais, en tant qu’historien, il insiste que si on donne les archives de l’INA, on pourrait en faire autant avec les reste et si on remet la carte des mines, on pourrait également y adjoindre la carte des bombes atomiques : «Enfin, si on s’engage à l’entretien des sites de radiations, pourquoi ne pas en soigner les blessés ? Du point de vue de la réflexion, ça peut fonctionner comme ‘mesures leviers’.» Car Benjamin Stora estime que le problème avec l’Algérie est cette propension à faire des revendications très générales alors qu’il eut fallu choisir des points très précis : «Demander par exemple ce que sont devenus les 3.024 disparus de la bataille d’Alger ? Nous savons que le préfet de police d’Alger avait démissionné en septembre 1957 en disant qu’il ne pouvait accepter que 3.024 algériens aient disparus. Plutôt que de faire des revendications abstraites, il faut identifier, nommer et faire des listes. D’où l’intérêt du travail des historiens.»
Enfin, Stora insiste que le travail académique des historiens serait vain s’il n’est pas mis à la disposition de la société civile ou si celle-ci ne s’en emparait pas : «Les désirs d’histoire sont des désirs de transparence et donc de démocratie.»
 
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